Dans le doute, et autres. Faut bien.

J’ai très peu de place pour me cacher de mon passé. Essentiellement contenu dans quelques boîtes empilées dans un garde-robe. En feuilletant un cahier appartenant à ma mère, une enveloppe tombe par terre. Une enveloppe que j’ai ouverte une fois. Et plus jamais après. Et ce soir. Je sais que toutes mes craintes viennent de là. Que tout ce que cette lettre contient est dans une certaine mesure vrai. La première fois que je l’ai lue, c’est le lendemain de sa mort.

Je ne sais pas si un jour je vais arriver à dealer complètement avec elle. Mais j’ai l’impression que le reste de ma vie dépend de ça. J’ai passé les deux dernières années de sa vie à m’occuper d’elle. Et avant qu’elle meure, j’avais l’impression de progresser, d’y arriver. De laisser le pardon faire son chemin, de laisser l’amour monter à la surface de cette mer agitée de rancoeur, de regrets. Puis la lettre. Ça fait six ans et demi. Et je suis toujours à la case départ. C’est pas le message d’adieu auquel je m’attendais.

Pascale, mon amour

J’ai toujours trouvé que je tenais peu de place dans ta vie, eh bien! Maintenant ce n’est plus le cas: tu as de la job pour un bout de temps. Une chance que L. est là pour t’aider (sans farce, il va t’aider hein?). J’ai fait mon possible pour faire toutes les démarches pour que tu saches où te diriger. Je crois que tout est bien. Sinon, que veux-tu, je n’ai jamais été parfaite tu le sais bien!

Mais ce que je veux te dire c’est que ces derniers mois qui nous ont rapprochés m’ont permis de te connaître mieux et de t’aimer davantage si cela est possible.

Pascale, j’ai raté ma vie. Tu as certainement ton opinion à ce sujet mais je suis allé chercher assez profondément pour savoir que je n’avais pas vraiment d’issue. J’ai tout raté sauf toi. Quand tu es née ça été le plus beau jour de ma vie. Je sais, c’est cliché, mais ce jour-là il m’a semblé que j’avais tout accompli, que j’avais fait ce que j’avais à faire. C’est peut-être vrai parce que je n’ai jamais rien accompli d’autre.

Sois certaine que je suis partie en paix. J’ai fait la paix avec mon passé et j’ai pardonné à moi-même et aux autres. J’étais prête car la vie pour moi n’avait plus aucun sens. Je me sentais comme un zombie. Et puis: vivre malade, ce n’est pas vivre.

Bien sûr il y a le regret de vous laisser derrière, toi et les enfants, mais on ne sait pas ce qui se passe après la mort physique, peut-être se retrouvera-t-on.

Enfin continue à être la femme que tu es: vive, solide, généreuse de toi-même, tu es quelqu’un à qui on peut faire confiance. Ne fais pas comme moi et ne laisse pas la vie gagner sur toi. Avance et défonce les portes s’il le faut.

Je t’aime. Ta maman.

5 thoughts on “Dans le doute, et autres. Faut bien.”

  1. Jeanne says:

    Ah mon Dieu! je suis complètement flabbergastée! j’ai le goût de brailler! ça me fait penser, j’ai le goût de faire semblable; du point de vue du fils (de la fille, oups (pouffe)) depuis des jours

    question de montrer à mon père que non il a pas gâché sa vie et que non c’est pas parce que l’institution a jamais reconnu son savoir qu’il connaissait rien

    et que non il n’a pas à s’en faire avec moi et que oui je l’aime beaucoup.

    M’enfin, ce serait trop long à faire comme post alors je le fais pas (dit-il, le sourire gêné fendu jusqu’aux lèvres). :-/

  2. Basduck says:

    (p.s.: je savais que je serais très impoli dans mon dernier commentaire; c’est pour ça que j’ai caché mon nom)

  3. swan_pr says:

    chère Jeanne: alors dis lui. attend pas. si t’es capable de voir que c’est comme ça qu’il se voit, hésite pas. sinon t’auras à vivre avec une lettre comme ça… et c’est plutôt à chier comme souvenir.

    Basduck: essaie pas de t’approprier la sensibilité et la vulnérabilité de Jeanne… ÇA c’est impoli… :p xx

  4. Lyne says:

    Je te suis Swan…

    Je vis encore dans le deuil de ma mère et mon père…Hard to deal with it, sometimes….

    Tu écris, la vraie vie, Swan…

    Lyne

  5. Je n’ai rien compris à ta réaction à la lettre de ta mère. C’est vrai que je suis un homme et qu’il faut m’expliquer longtemps.

    Ma première réaction a été la jalousie. Mon père n’a pas les moyens d’écrire une telle lettre. Il n’a rien compris et ne comprendra jamais rien.

    Je n’ai pas le bagage nécessaire pour comprendre intellectuellement tes émotions. Je n’ai que le bagage émotionnel par lequel, sans comprendre, je vibre à tes mots.

    Et que d’émotion dans tes mots.

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