Hier ça a fait six mois. J’ai parfois l’impression que ça fait deux semaines. Des choses m’échappent. D’autres, je n’arrive pas à m’en débarasser. On m’a dit “Je t’envie un peu, tout semble si bien se passer pour toi”, “Tu t’es bien préparée, ça paraît”. Et sur la vague tout en effet glisse. Et la vague, et bien, elle rejoint le rivage un moment donné. J’ai fui un peu aussi. Mais le moteur a risqué de caler une couple de fois dernièrement.
Je ne peux pas faire autrement que ce que je fais en ce moment. M’assurer de donner mon meilleur, en tout temps, à ceux qui sont près de mon coeur. M’occuper de mon chez moi. Faire une bonne job au bureau. Être une bonne mère, une bonne amante, une bonne amie, une bonne employée. Parce que tout va tellement bien. Parce que je suis forte.
Un dimanche sur deux, mon coeur se brise en mille petites miettes. Je reviens chez moi, et je pleure. Tout est vide, les minous miaulent, un tshirt sale traîne à terre et je le ramasse en braillant, en le pressant sur ma joue. Non non, là, ça va faire. Non, j’ai pas envie de “m’y faire”. Je veux l’accepter. Mais je ne pourrai jamais m’y faire.
J’ai peur parfois de dire que j’ai de la misère. Parce que “ça va si bien”. J’ai peur de parler de ce que je ressens, parce que je pense que je suis supposée de ne pas avoir de séquelles. Des fois, tout est cool, je me sens bien. Et des fois, j’ai des poignards dans le coeur, le souffle me manque, je suis toute étourdie, et je… Je sais plus. Je sais pas trop ce qui se passe. J’ai l’impression d’être plongée dans un gros trou plein de rien. Rien qui valle la peine de ces larmes du dimanche soir.
J’ai pas pris le temps de vraiment regarder où j’en suis, où je m’en vais. Qui je suis. Qui je veux, et ne veux pas, être. J’ai toujours eu de la misère avec l’idée de m’accorder du temps, de l’attention. Je me suis éparpillée parmi mes soleils.
Tellement étirée que je suis toute mince, fine, transparente. Avant de fendre, il est temps que je me rapatrie.