Tout en différé

Ce que je fais? Ce que je deviens? Certains soirs j’écume le web corporatif et j’envoie des cv. D’autres, quand c’est possible, je me laisse gâter par la vie, par l’amour. C’est tout, pas plus que ça. Hier soir en revenant de loin et très creux j’ai vu plus de chevreuils que j’en avais vu de toute ma vie, tous réunis. J’ai aussi vu Vénus. Pendant la journée je me suis endormie entre deux trois cèdres, au bord de l’eau, au gros soleil. La veille on s’est bourré la panse de rôti de porc, de patates brunes et de pets de sœur. J’ai vraiment pas besoin de plus.

Sauf une job qui ne me donne pas le goût de tout crisser là. Juste une job qui me permet de nourrir mes enfants et de payer le loyer. Où personne ne me harcèle, ne me crie après, ne me menace. Une job où le cœur ne me lèvera pas à chaque fois qu’un des dirigeants m’appelle. Une job où je ne passerai pas mes journées frustrée à cause de l’incompétence, l’indifférence et la méchanceté de certains collègues. Ou de la direction. Une job où mes douze années d’expérience ne seront pas utilisées à faire semblant d’être en charge pour absorber l’inefficacité d’un supérieur immédiat. Me semble que c’est pas trop demander ça.

Avec un peu de retard, l’arrivée

23H22. On s’apprête à se coucher. Je suis heureuse de t’avoir parlé au téléphone ce soir, tu m’as manqué aujourd’hui. Je t’imaginais des fois à côté de moi, regardant les mêmes paysages.

J’écris pour pas oublier.

Arrivés à Penn Station (quelle laideur) on débarque du train et on suit les gens, les pancartes et on se retrouve sur le trottoir sous le marquis du Madison Square Garden, sur la 32ième. C’est le choc pour eux, l’émerveillement. Je regarde leur visage et je sais qu’on est au bon endroit. C’est presqu’un retour à la maison pour moi. Il fait chaud, les femmes ont d’énormes seins en plastique dans des camisoles minuscules et les mecs des pantalons trop grands. On relaxe pendant que j’en fume une dans les marches du MSG.

On prend un cab et oh merveille, il vient équipé d’un touch screen avec des nouvelles, un GPS et des jeux. J’ai mon voyage! Et ça me fait chier, parce que les enfants sont comme hypnotisés par l’écran, tout conditionnés qu’ils sont malgré mes efforts à contrer… Contrer tsé, contrer tout ça justement.

On arrive à la maison. Ouf. Sur le coup je rush. Y a personne et des graffitis sur la porte. Un noir sort de la chevy van parkée devant. « Hey, howyoodooin? »… Il se colle sur la porte en fer forgé et crie « John, Yo, John, they here nah ». John c’est le chum de la fille à qui je loue la maison. Entendre son nom me rassure et je réussi à lâcher un sourire encourageant aux enfants. John arrive et ouvre la porte. Le gars est gelé raide et sent le pot à plein nez. On se présente, il débarre la maison et on entre. Il ne quitte pas ma craque du regard. Je trouve ça drôle, lui qui sort avec une ancienne mannequin, italienne, new yorkaise, avec des cheveux lisses lisses comme dans les annonces de Pantene. On dirait qu’il vit ici quand elle est pas là. Il y a des miettes de toasts sur le divan et le lit est un peu défait. Anyway. C’est sale. Mais c’est chez nous pour une semaine et je trippe.

John nous fait le tour du propriétaire. Ce qui prend environ 20 secondes puisque la pièce fait à peine cent pieds carrés. Il me laisse les clés, jette un dernier regard un peu triste vers mon décolleté et nous souhaite bonne nuit. On s’est installés et on est allé se promener quelques minutes explorer le quartier et trouver à manger. Au coin d’Avenue B et la 6ième on est entré dans un déli et on s’est retrouvés au nirvana des wraps et des sandwichs de fou à 6$.

Il est presque minuit. On est brûlés, mais heureux, fébriles. Demain on part à l’assaut de la ville. Je te souhaite bonne nuit, t’embrasse.

Ousque j’travaille pour le plaisir

McDoodle. Inspirante, généreuse et inattendue m’invite à vous montrer ça… J’ai pas de photos de celui au boulot. En tout cas pas maintenant. Avant de partir tantôt j’ai trouvé un kid de 16 ans qui fait du filing à temps partiel, je lui dit “ton cell prend des pics right?”. Tout content, il dit “bin kin”. Ouin, c’est pas à point la technologie, parce que oui ça prend des photos, mais pour les envoyer c’est une autre affaire. Je lui ai laissé mon adresse email, lui remontant l’estime un peu  “Ça marche pas à tout coup ces gogosses. Tu me les envoies quand ça fonctionne ok? Merci, t’es sweet” (sourire de milf ).

Donc c’est celui de la maison. Pas fait de ménage, pas arrangé la bibliothèque, alors la vue donne sur le bord des paperbacks, ça fait pas très érudit, mais j’ai jamais prétendu l’être. C’est pas le bureau avec lequel je gagne ma vie, mais c’est celui qui me rapporte le plus.

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Poursuivons

Dave (the back of a van? let’s see it!)
Manon (où elle sauve les âmes)
Quartz (is it even allowed?)
Dany Kafkadan (un prof inspiré)
Le Rat de Bibliothèque (contre les blues du lundi)

Nouvelle ignorée, éditée, acceptée, refusée

Ignorée par la personne qui l’avait commandée, éditée avec une âme généreuse, acceptée par Mr B pour le Moebius et refusée par l’éditeur. I now lay it down to rest.

“Break me” she said. “Break me, break me. And when it’s done, when it’s all over, you can put the pieces back together however you want to.”

But like a jigsaw puzzle, her pieces were meant to only fit one way.

“You can make me, invent me, create me. I’ll belong to you and only you. You’ll hold the secret. My cracks, my flaws only reminders that I was born from your hands.”

Damaged goods, that’s how I saw it. Unfortunately, I had already broken her. Her cracks and flaws only reminders of what she was made of.

Worth breaking.

« Brise-moi » qu’elle me demandait, sans cesse. « Brise-moi, brise-moi. Et quand tu en auras fini, prends les pièces et recolle-les comme bon te semble, comme il te plaira ».

Elle était comme un casse-tête. Il n’y eut qu’une seule façon de remettre ses pièces ensemble.

« Tu peux me créer, m’inventer, me mettre au monde. Je t’appartiendrai, à toi seul. Tu seras le gardien de mon secret et mes failles et mes faiblesses ne seront que le témoignage de ma naissance entre tes mains. »

En la regardant, je ne voyais rien d’autre : une marchandise endommagée. Malheureusement, je l’avais déjà brisée. Ses failles, ses faiblesses, n’étaient en fait que le témoignage de ce qu’elle était.

Bonne à briser.

Il était encore tôt. L’absence de voitures m’évoqua brièvement Pyongyang. Dans quelques heures, les hatchbacks et les mini fourgonnettes allaient reprendre d’assaut les huit voies de cette autoroute. Un vide lourd, sans issue, sans espoir de changement. Nous roulions vers cet endroit qu’elle avait choisi, pas du tout au hasard. Un creux, un fossé entre les rubans d’asphalte, qui lui redonnerait la vie.

Il était encore tôt. Et tout était rose, comme si le soleil avait mis des lunettes. J’eu l’envie de lui demander… De lui demander si le rose ne lui donnait pas envie de changer d’idée. Si le rose ne la réconfortait pas un peu, comme il le ferait pour une petite fille. Mais le rose ne toucha jamais ses yeux.

Il était encore tôt. Elle fixait tout droit devant, le souffle court, des perles de transpiration se formant sur sa lèvre supérieure, le bout de sa langue accrochant au passage les plus aventureuses. Le rose m’avait déjà envahi et les kilomètres fuyants me rapprochaient de plus en plus de la réalité.

Qu’elle ait vu en moi l’outil qui allait finalement, croyait-elle, la réparer, ne me sembla même pas étrange. Ce midi-là, assis tous les deux sur le lit des parents, elle me confia ma tâche. Après tout, c’était le même sang qui l’avait rendue défectueuse. Maintenant qu’il ne restait que nous deux, il était temps de rétablir l’équilibre.

Je pris la chose avec désinvolture. Chaque jour, je la rassurais de mes bonnes intentions. De ma détermination à accomplir sa volonté. Et sans relâche elle me talonnait. « Brise-moi ». Un jour elle arriva munie d’une carte routière, déjà habillée pour partir, son sac balançant à l’épaule, son visage rouge d’anticipation et de détermination. Elle me tendit les clés de la voiture.

« C’est là, c’est là, c’est LÀ! »

Je ne veux pas que ce soit là, je veux continuer à rouler, continuer à avancer la tête baissée, les yeux fermés, le cœur paralysé. C’est pas lui qui est ici dans l’auto avec toi, c’est moi, c’est moi qui t’aime, qui… t’a jamais protégée, jamais consolée, jamais défendue… c’est moi qui dans le noir écoutais en faisant semblant de rien entendre, sentant votre odeur monter et envahir l’air et se rendre directement entre mes jambes, moi qui parfois se voyait à sa place, regardant ton visage et capturant ton âme et déversant mon amour.

Notre vieux Buick familial à peine immobilisé, je l’ai regardé descendre, ma petite sœur, mon amour. Elle courait vers le trou qui nous briserait tout les deux.

Je veux ravoir mon jardin

Alors c’est ça? C’est comme ça? Toujours et encore, ok, go, c’est beau, non, ça fait trop mal, ça doit finir et puis on rembarque et c’est si bon et le soleil brille bordel, comment ça pourrait aller mal quand je plisse des yeux en plein jour? C’est pas que des reflets, mes doigts passent au travers mais je les sens, c’est plus, mon spleen, mon sixième sens, ma baise d’enfer, mes larmes, mes larmes, mes larmes. Un jardin secret plus qu’abandonné, vague et vierge à nouveau sous les cadavres des liens, des lianes, des tiges, des branches et j’ai tout laissé mourir avec à peine un regard. On arrive toujours au même choix qu’il soit mort ou moribond ou whatever. On dit, alors c’est ça? C’est comme ça? Toujours et encore, des graines à planter, des pousses à arroser, mais malgré tout le soleil qui s’évertue à faire sortir le meilleur de nous, une plante vénéneuse, mangeuse de chair morte pousse, pousse, pousse et quand mon doigt touchera son coeur pour voir comment il est mou mon sang ira rejoindre celui des autres et la coulée suivra le chemin creusé par ses flots.