La route, les humains, le retour

Cedar Point, le Rock and Roll Hall of Fame, 2150 kilomètres, mon fils, de la musique. Jours heureux. En dedans, ça va pas toujours bien, mais y a de ces moments qui font tout oublier, qui font que je me lève à chaque matin, au cas où. Au cas où je pourrais en revivre des comme ça. Dans neuf dodos je serai sur le bus vers New York. Aucune misère à me lever pour les prochains jours je pense.

Je dépose ici deux textes publiés ailleurs, pour les pas sorteux 😉

***

Sur la route

 

On annonce des travaux et un détour. « Euh, attend minute, je suis supposée aller où moi-là? » Ça ne fait pas 100 km qu’on est au Québec, déjà je sacre et je me sens perdue. Sans compter que je tiens maintenant mon volant à deux mains de peur de perdre le contrôle à force de chevaucher les accotements suite aux déviations aléatoires et incompréhensibles qui se présentent depuis quelques minutes.

 

« Voyons, est-ce que je suis supposée sortir ici? Ah fuck, je pense que j’ai manqué la sortie du détour! » Oh, non, finalement, c’est juste 5 km plus loin, ok, fiou. Haha, pas si vite! On y va de sinueuses manœuvres afin de ne pas abîmer le pare-choc ou les ailes sur les rambardes de béton qui sont supposés me guider à bon port, c'est-à-dire dans le centre-ville de Dorion, évidemment. On rejoint enfin l’autre tronçon de la 20. Ça va pas si mal jusqu’à Lasalle, où les cônes oranges se font de la grosse compétition pour m’aider à sortir de ma voie et aller frapper une voiture dans l’autre. Mais on s’en sort sans heurts.

 

Déjà je ne remarque plus les trous, les craques, les cahots qui tous collés ensemble forment notre réseau routier. Depuis la sortie 14 mon volant vibre, mes essieux se lamentent. La normale quoi.

 

Ahhhh, enfin, on approche du Pont Champlain. Ça fait dix heures qu’on roule. J’en ai ma claque, mais je suis heureuse de rentrer à la maison, retrouver les minous, dormir dans mon lit. Je dis bien : on approche. Et c’est tout ce que l’on fera. Bien avant la sortie Atwater, c’est un stationnement rempli de totons agressifs(1) et de touristes perdus et désemparés qui nous accueille. Après consultation rapide on décide d’aller chercher Victoria, qui nous coûtera quelques kilomètres supplémentaires, mais qui nous permet de passer de l’illusion à la réalité et de rentrer enfin à la maison.

 

Ça ne s’explique tout simplement pas. Comment en est-on arrivés à un si gigantesque fiasco? Mais de quelle gestion le gouvernement parle-t-il? On nous a appris il y a quelques semaines que d’offrir des services publiques est un choix de société. Je n’ai absolument pas choisi que ces "services" soient offerts au détriment de la sécurité (et de la santé mentale) de la population sur les routes. Et vous, on vous a consulté? Sam Hammad nous rassure : « Toutes les routes qui sont ouvertes sont sécuritaires ». Ce dernier a d’ailleurs en main le rapport d’inspection de Mercier mais refuse de le rendre publique pour l’instant. À la vitesse où le réseau se détériore, prendre la route sera un risque qui coûtera si cher que les compagnies d’assurances ne couvriront plus rien. Déjà que plus personne n’est responsable des dommages causés par les nids de poules et autres déficiences de la voie publique…

 

J’ai roulé 2000 kilomètres sur des routes lisses, droites et dégagées. J’ai passé sur des chantiers si ordonnés qu’il était difficile de croire qu’il y avait des travailleurs sur place. On m’a avisée des miles à l’avance de déviations et de détours. On m’a même avisée de dos d’ânes minuscules (bump ahead). Pour 2000 kilomètres de routes parfaites, ça m’aura coûté au total 19,30$ en péage. Mais absolument rien en migraine, stress, agressivité, perte de patience, égarements dus à des détours, etc. C’est ce genre de choix de société que j’aimerais faire. Un genre où au lieu de croire que tout va bien (et que des tunnels s’écroulent mais que c’est normal) on n’attende pas que le Pont Champlain s’abîme dans le St-Laurent pour exiger que des comptes nous soient rendus.

 

(1).Oui, il y aura une suite… 

 

***

 

Sur les humains

 

C’est pas que j’aie envie de jouer au jeu des comparaisons. Et comme je le disais précédemment, j’avais quand même hâte de revenir à la maison (mon lit… ah, mon LIT!). Mais les humains ne me manquaient pas tant que ça, et je l’ai réalisé au moment où on est arrivés dans le trafic de la 20. Tout a basculé. Ou plutôt, tout est revenu à la normale.

 

Les panneaux vantant les vertus de la courtoisie au volant me font toujours rire. Paradoxalement, je trouve assez triste de devoir se faire rappeler de se comporter en humains par le gouvernement. Sur la route, dans le métro, dans le bus, partout, des messages où on nous incite à céder notre place, à recycler, à ne pas conduire de façon agressive. Que cela ne vienne pas naturellement m’échappe complètement. Et plusieurs fois par jour j’éprouve déception et frustration face à l’indifférence et l’égoïsme des gens qui m’entourent.

 

Tenir une porte, retenir un ascenseur, laisser sa place dans le métro, attendre son tour, être poli, sourire, dire merci, être conscient des gens qui nous entourent et respecter leur espace personnel, ça me semble des choses tout à fait normales, et pourtant…

 

Sur les centaines de kilomètres parcourus, je ne me suis pas fait tailgater une seule fois. Savez, cette fabuleuse habitude que vous avez de coller dans le cul de la voiture devant vous pour lui signifier gentiment que vous voulez passer? Ici, sur un parcours de 25 kilomètres pour me rendre au métro, ça m’arrive au moins 2-3 fois. Et vous savez aussi, cette super façon que vous avez de zigzaguer d’une voie à l’autre en fou dangereux pour gagner quelques minutes sur votre parcours? Pas vu ça non plus. Ah si, une fois. Sur la 81 vers la douane. C’était un québécois.

 

Ce qui nous a le plus étonné à Cedar Point, c’est le civisme des gens, leur politesse. Et le professionnalisme des employés. Pas de bousculades, pas d’enfants rois en crise affalés au centre de la place. Des gens respectueux, courtois, calmes. Des enfants, des ENFANTS! qui tiennent la barrière d’un manège ouverte pour les autres. La journée de notre visite le parc n’était pas à pleine capacité, mais l’achalandage était quand même impressionnant et malgré cela, dans tous les manèges, les employés étaient avenants et d’une efficacité redoutable. Dans les lignes d’attentes, pas un seul conflit, aucune impatience. Seulement des gens qui jasent calmement en attendant leur tour. Et malgré les milliers de personnes présentes cette journée-là, la propreté du parc était frappante. Faut dire que les clients des restaurants se ramassaient et que les poubelles étaient nombreuses et facilement accessibles.

 

La clientèle de Cedar Point est principalement composée de visiteurs de l’Ohio, du Michigan, de la Pennsylvanie et de l’Indiana. J’ignore si c’est régional, mais l’impression qui me restera de ce voyage, c’est que la courtoisie et le civisme est en voie d’extinction au Québec. La chaleur humaine de Denise, notre hôte, et aussi des étrangers croisés tout au long de notre voyage me manque. Je me sentais plus chez moi là-bas qu’ici. Peut-être que finalement, être chez-soi a plus à voir avec les valeurs et les qualités des humains qui nous entourent qu’avec une simple situation géographique.

 

One thought on “La route, les humains, le retour”

  1. gomeux says:

    Si les Québecois sont un petit peuple, c’est bien au volant de leurs bazous.
    Gang de morons.
    Et je mâche mes mots.

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