Je ne parlerai aucunement de tout ce qui s’est passé au Québec dans les trois derniers jours. Mais ce n’est pas plus facile à voir d’ici. Par contre ce n’est pas ma vocation, ni mon travail de parler politique. Je laisse cela à ceux, beaucoup plus aptes, qui en font leur métier.
J’étais tellement absorbée par mes obligations et le stress et l’angoisse qu’il restait plus vraiment de place à l’anticipation, l’excitation. Mais quand l’avion s’est mis à accélérer sur la piste, et que j’ai senti les roues quitter le sol, une grosse boule d’émotion s’est logée dans ma gorge, mes yeux se sont emplis d’eau et je me suis laissée aller un peu. Un peu parce que dans la boite à sardine qu’est l’avion, il y a très peu de place à l’intimité. Ça m’a d’ailleurs fait plaisir de renouer avec mes pieds, mes mollets et mes genoux en débarquant.
J’avais peur de me retrouver comme Édouard et ses deux kilos de rillettes. (Des Nouvelles d’Édouard, Michel Tremblay)
Prise dans des situations où je ne saurais quoi faire, quoi dire tant les moeurs me semblaient différentes. C’est un peu par hasard que j’ai réalisé à quel point je suis folle.
Ce qui m’a sauvée? Le Monoprix! Le Monoprix, c’est un grande surface mais plutôt moyenne je dirais. Avec des vêtements et des trucs style Jean-Coutu au premier et une épicerie au sous-sol (c’est weird passer par les chandails avec ton vin et ton fromage mais bon) et c’est en regardant les produits que j’ai bien vu que je n’étais pas en terrain inconnu. Il me faut encore comprendre comment acheter des fruits et des légumes (-Faut faire peser madame -Ah d’accord. Mais j’ai pas encore trouvé où) et je me suis fait chicaner par la dame des fromages (-Faut pas toucher madame!) mais autrement ça va.
Les fromages… Il n’y a pas que sur le vin qu’on se fait fourrer solide au Québec. J’en ai acheté deux, pour 3€ chacun. Un Trou du cru et un Selles-sur-cher… J’ai pas fini de rigoler avec ces appellations. Et que dire des noms de rues? J’ai beau pas vouloir sortir ma carte à tout bout de champs en pleine rue, mes pieds crient pitié d’errer d’un bout de ruelle à un autre qui finalement monte vers le nord au lieu de descendre vers le sud comme je le croyais. Mais je m’en tire somme toute très bien, et suis rentrée au bercail saine et sauve à chaque jour.
Le décallage me donne du fil à retordre, mais je crois qu’aujourd’hui enfin ça se place. Et depuis hier je marche. Je marche, je marche, je marche. Rien de bien original je sais. Mes premières visites auront été la Tour Eiffel, le musée d’Orsay, le Marais, Notre-Dame et un peu de tout ce qu’il y a autour. Les pelouses du Champs-de-Mars sont fermées, “au repos”, il y a énormément de construction autour et sous la Tour et les lignes de touristes, on en parle même pas. Enfin, il y a de ces trucs qui sont inévitables. J’ai pas fini d’en voir d’ailleurs.
Je fais bien des blagues, et par moments je me dis: je suis dans un Gaston Lagaffe, je vais voir Prunelle ou Gaston sortir d’un immeuble d’un moment à l’autre! Mais je commence à sentir le pouls de la ville, son rythme. Comme après mes premières heures à New York, j’arrive à un point où je n’éprouve plus le besoin impératif de tout voir et tout faire ce que j’aurais voulu, ce que j’ai ajouté dans mes favoris, mis sur une liste. Mon carnet de notes se remplit d’observations, de réflexions et j’ai envie d’ouvrir cette valve encore plus grand. J’ai maintenant envie de vivre au même rythme qu’Elle, la découvrir, la laisser me montrer ses ombres et ses lumières. Je me sens bien, je me sens libre.