La beauté m’épuise. Je suis exténuée de ces combats intérieurs, des tempêtes qu’elle déclenche, des douleurs qu’elle provoque. Et le reflet dans mon esprit qu’elle salope dès que je mets le pied dehors.
Les corps, les visages, les cheveux, tous après moi, tous à me rappeler qu’ils ne m’appartiennent pas. Et je marche en regardant par terre, me demandant combien de temps vais-je tenir. Combien de pas jusqu’à la station de métro, combien d’arrêts avant le mien, ok, j’arrive à la maison. J’ai le souffle court. Je me précipite dans la salle de bain et ferme la porte pour me regarder dans la glace accrochée derrière.
Rien. Tout est pareil comme ce matin. Mais comment est-ce possible alors que j’avais l’impression d’être une monstruosité il n’y a pas dix minutes?
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À 9h30, dernier coup d’oeil au miroir avant le départ vers le boulot. Tout me semble correct. Il y a même certains matins où je me risque une pose, un sourire. Me semble que c’est pas mal du tout.
10h, arrivée au 15ième étage tout est fini. Évaporé. Je tiens bon, quelques relents de la confiance que j’avais il y a encore quelques minutes s’accrochant à mon esprit. Par le temps que l’heure du lunch arrive, j’ai engraissé de 50 livres, j’ai des boutons gros comme des cerises, mes cheveux me donnent l’impression que j’ai une balle de foin sur la tête et mes vêtements me vont aussi bien que si c’étaient des guenilles ramassées dans le fond d’une ruelle un lendemain de parade de la St-Patrick.
18h, je quitte le bureau, arrêt à la salle de bain, j’évite même pas le miroir. J’y vois exactement ce que j’ai imaginé toute la journée.
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J’évite les bars, j’évite les sorties, les restos. Les regards surtout. Et quand j’arrive à sortir, à parler aux autres, c’est au prix d’un effort qui est difficile à décrire tant il m’est exigeant. La bière aidant, dans une soirée je peux m’amuser ferme, jaser, rire, avoir l’air tout à fait normale par contre.
J’ai oublié le regard des hommes sur moi depuis longtemps. J’ai abandonné l’idée même de l’existence de celui-ci, m’évitant ainsi une épaisseur supplémentaire de déception. L’acceptation qu’il n’y est pas, qu’il n’a pas lieu d’être, est plus supportable que l’illusion et l’espoir et l’attente.
On a beau s’accrocher à des vérités que l’on sait vraies, pures, nobles, saines, quand même, il y aura toujours cette partie d’être une femme qui me manque. Parce qu’elle a déjà existé. Mais les années, la vie, les déceptions, les absences, et ma folie parfois, l’ont anéanti. Au cours de cette vie, quand l’amour semblait vouloir se tirer, j’aurai cru que c’était à cause de mon corps, mon visage, mes cheveux. Et j’aurai tenté, sans succès, de faire mieux, d’être plus ceci, ou plus cela. Toujours plus, sans jamais réaliser à quel point j’endommageais ma propre identité à force d’essayer d’être tout sauf moi.
Et maintenant qu’il n’y a que moi, que je n’ai plus à faire semblant, il me reste quoi?
Touché, mais pas coulé. Tchek ton inbox sur fb.
Hmmm…
Il reste que t'écris ben en crisse, that's for fucking sure. C'est peut-être pas assez. Y a que toi qui le sache. But you do write like Hell, Girl, better and better…
Love-Soeur: merci ma belle xxx
Christian: TU parles de remonter le moral? Câlisse. Merci pour le moton, les yeux pleins d'eau, le sourire, le lever tellement moins difficile soudainement. Merci.