J’avais pas l’intention de faire de post pour la St-Jean. Juste parce que j’étais pas chez moi. Et puis je reviens et je fais le tour et je lis une tonne et demi d’idioties et vraiment, non, je suis ne suis plus trop fière.
Oui, hier je suis descendue parmi les bédaines et les tatous. Oui j’ai aimé ça Xavier Caféine et Loco Locass. Et j’ai trouvé le monde beau. Les hommes, les femmes, les enfants. Chinois, libanais, africains, latinos, haïtiens, italiens, grecs, et on bouffait de la poutine et des empenadas en buvant de la Bleue tiède et flate pis on se faisait des sourires, pis j’ai pas eu de misère du tout à m’identifier à tous ceux qui m’entouraient.
J’ai crissement plus de misère avec ceux qui beuglent que les québécois c’est une gang de BS obèse pas éduquée.
La mort du Québec, du québécois n’est pas juste due à Star Académie et Cinéplex Odéon. Il n’y a pas que les spectateurs de Loft Story qui nous tirent par le bas. Il y a tous les autres, qui préfèrent taper sur leur clavier que leur patrie leur fait honte, qui aiment mieux chier sur une journée de party qui fait du bien, qui annonce le début de l’été, qui nous permet d’échanger des sourires avec des étrangers, ce qu’on ne fait plus jamais. Et puis je vous avoue quelque chose. Des groupes comme Loco Locass me donnent espoir.
Il n’y a pas que des losers, des BS et des caves ici. Il y a aussi des hypocrites. Arrêtez de toujours regarder vers le haut, vers l’état, pour vous sortir de la marde et de regarder vers le bas pour vous réconforter que vous êtes pas si pire. Arrêtez de brailler que tout va mal et impliquez vous. Arrêtez de rire des autres et regardez vous donc dans le miroir. Et si vous n’êtes toujours pas heureux ici, si vous pensez que vous êtes au dessus de tout ça, de nous tous, si les québécois vous font toujours aussi honte, déménagez donc en bas ou l’autre bord de la flaque, ou même au bout de la 40. Ça doit être tellement mieux qu’ici.
Pour ma part, je préfère croire que tout espoir n’est pas perdu. Je préfère les discours grandiloquents, les élans patriotiques théâtraux, à n’importe quel bitchage. J’ai espoir.
Les Géants
-Biz, Batlam, Chafiik
Donne la main à toutes les rencontres, pays
Toi qui apparais
Par tous les chemins défoncés de ton histoire
— Gaston Miron
Nous sommes issus d’un sol immense, qui nous a tissés métissés
Rebus de brins de laine tressés très serré
Sans couture au sein d’une ceinture fléchée
Comme quelque queue clinquante de comète effilochée
Et si l’on suit le fil de notre texte il
Mène à la sortie du labyrinthe de Pan
Qui nous éreinte depuis qu’ils ont mis nos torts dedans
Ils ont conquis nos territoires, pillé notre histoire et volé notre mémoire
Avec leurs thèses de fous, ils nous ont dit: «Taisez-vous!
Vous ne valez pas 10 sous
Vous n’êtes pas vous, vous êtes nous
Vous êtes dissous
Notre substrat vous subsume et la comparaison vous consume»
Faux! Nous venons d’avant
Nous sommes antérieurs
Nous sommes des créateurs, pas des créatures, pas des caricatures
Notre maison n’a pas de cloisons
Mais quatre saisons
Acclimatés au climat
Et faisant fi du frimas
Nous avons parcouru par ses artères tout un continent titan
Notre espèce aspire à l’espace et son empreinte est partout
Tapie dans la toponymie
Gravée dans le granit, égrainée sur la grève
Arc-boutée dans les arches de nos dingues digues dignes de la muraille de Chine
Dans les champs essouchés sous la lune
Et les racines d’un hêtre qui ne peut plus plier
C’est une histoire riche qui n’est sur aucune affiche
Et qu’on a laissée en friche
Dans nos caboches, ce n’est que roches et fardoches
Cosmogonie à l’agonie
Dans le tome fantôme du grimoire d’une mémoire moisie
Sur nos épaules on porte pourtant le pack-sac d’un passé épatant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?
Sitôt venus au Nouveau Monde
On a dompté les hivers et fabriqué de la terre
On avait la tête à la fête et le coeur au labeur
Opiniâtres, on n’a jamais laissé mourir le feu dans l’âtre
Car nous avons la tête à Papineau
La longue langue agile de Da Costa
Le coeur-corsaire de d’Iberville
Qui envoie en nos veines
Le pur-sang mêlé-mêlé de Riel et des Premières Nations
Nous avons l’aviron de Radisson, la vigueur de la Vérendrye
Les jarrets de Jolliet et tous les talents de l’intendant Talon
En somme, nous sommes des surhommes uniques
Générés par le génie génétique de l’Europe et de l’Amérique
Inéluctablement, nous voguons vers le néant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?
Opaque, il faut qu’enfin notre épopée éclate
C’est sans équivoque, cette Histoire est pleine et craque
Loco Locass la provoque de son verbe épique: les eaux sont crevées
Et tombent en trombes et forment une flaque, que dis-je, une flaque
C’est comme un lac à nos pieds
Le col se dilate
Le sol s’écarquille
Pour laisser monter un corps en forme d’ogive
C’est le chaos qui «paaaaaasse» dans le chas d’une aiguille
C’est un cri qu’on pousse, un coeur qui pulse
Celui d’un peuple qu’on accueille ou qui frappe un écueil
Dans l’oeil du cyclone, chaque seconde en vaut quatre
Nous rapproche d’un miracle
C’est un spectacle sans entracte
Mais gare à l’arrêt cardiaque
Entre la mort et la vie
L’arrivée d’un homme comme lors d’un référendum
Un peuple oscille entre le rien et tout ce qui brille
Je pose des mots garrots gare au flot hémorragique
Ô ma rage gicle par tous les pores de mon coeur spongieux
Sur ce son long jeu conjure ma mortelle nature
Et nous disons que la parole est une sage-femme
Qui tire des limbes un monde à naître
Fort de cette maïeutique aux forceps
Le poète nomme enfin celui dont il voit poindre la tête:
QUÉBEC!