Promenade entre deux pavillons

On oublie peut-être les espoirs et les rêves qui ont fait s’ériger ces édifices. Le cynisme presqu’obligatoire qui nous anime et qui module maintenant nos réflexions et opinions nous ont fait perdre de vue ce qui est beau et puissant dans ces institutions souvent vues, pas nécessairement à tord, comme des bureaucraties hébergeant fonctionnaires et party animals expérimentés.

Le discours débilitant, le mépris envers l’intellectuel et le savoir acquis, pourriture des idées sous l’ingérence de la classe politique et surtout des entreprises qui commanditent ce fabuleux nouveau pavillon Machin Truc Inc. La condescendance un art qui se transmet d’un dirigeant à l’autre, qu’ils s’empressent de nous servir sous des discours prônant les valeurs familiales et l’entrepreneurship québécois.

Pourtant comment peut-on vraiment être blasés devant l’influence que l’université a déjà eue sur les sociétés et les mouvements politiques passés. Depuis ma visite à Concordia, j’avais déjà ressenti cette beauté, les relents des efforts, les échos du savoir transmis et le flot des réflexions poussées, ici sur un banc, seul, là dans l’agora, entre amis. Le monde est toujours à refaire, à réinventer. Et c’est ce qui fut.

Aucune envie de dérision, aucun second degré en regardant les étudiants déambuler. Je me dis que la beauté de leurs idéaux doit l’emporter sur nos propres préjugés d’adultes trop pris par la vie pour encore apprécier cette innocence. Comment cette noirceur des idées envers toute institution de savoir nous a-t-elle été inculquée?

Et pour en mettre un peu plus épais sur la vitre salie qui bloque notre vision, l’envie de la vie télévisée, advertisée, dorée, photoshoppée… On a beau se dire résistants, on a tous un iPad sur notre wishlist.

J’aimerais entretenir ces sentiments qui m’envahissent mais le ménage, le lavage, le loyer, tsé? Y a pas de verdure dans ce quotidien, pas d’agora pour les élaborer, pas de classe pour les construire, pas de professeur pour alimenter ce qui pourtant ne dort pas en moi. Une sieste, tout au plus.

Plus je reçois et moins je donne

Maudit crisse. Regarde, c’est ben plus de ça qu’il s’agit. On meurt! On meurt pis on s’en rend même pas compte. Moi je m’en rappelle comment ça sentait bon, comment on s’embrassait, comment c’était bon de se serrer dans nos bras. Et je m’en rappelle des Noël sans cadeaux, mais avec une table pleine, de l’amour et des cris et des fous rires. On devrait pas vouloir plus que ça, on devrait pas se demander ce qui nous manque!

Je m’ennuie d’aimer, de toucher, de sentir. De m’endormir dans la montagne de manteaux de poils sans que personne se demande où j’étais. De me réveiller très tôt et de marcher vers le salon en évitant les bouteilles vide et en picossant dans les restes sur la table pour m’assoir tout doucement par terre et jouer avec mes nouveaux trucs sans bruit pour pas réveiller Mémé qui dort sur le sofa.

Ça plus rien à voir. J’aime autant être ici, boire ma bière et me faire mon réveillon. J’ai du fun, pas de stress, pas de dinde de chez M&M. Je suis en train de faire un film pour mon coureur des bois, son cadeau. J’ai mis des lumières blanches dans la fenêtre. Beethoven. Fait chaud. Bonheur.

Texte inédit qui comporte un titre

Tsé, la signification d’un refus c’est toujours relatif. Pour le/la refusé(e) et pour l’autre qui décide. Mais des fois c’est tellement clair que l’autre s’est FOURRÉ. Come on asti. J’ai même pas de mots.

Y a Christian et Éric qui sont mille fois plus ci et ça que moi, alors allez les visiter pour qu’ils vous esspliquent.

TEXTE INÉDIT QUI COMPORTE UN TITRE

Un gars qui écrit des livres m’a laissé entendre que j’pourrais publier un texte inédit qui comporte un titre dans la revue Mollusque, une revue de littérature toé chose.

C’est un numéro thématique sur les Sauvages. Hostie, j’en suis un. Ça tombe bien.

Ça fait qu’après m’être gratté la tête une couple de fois, j’me su’s dit que j’pourrais ben torcher un p’tit que’que chose pour Mollusque.

D’abord, mon père disait qu’i’ était pas un Sauvage pis qu’les Bouchard v’naient d’la Normandie.

Fuck, i’ v’naient même pas d’la Normandie les Bouchard! I’ v’naient comme i’ pouvaient quand l’occasion s’présentait. Pis i’ d’vaient v’nir souvent parce qu’i’ étaient dix-neuf enfants du côté d’mon père.

La mère de mon père était une Sauvage, une Algonquine ou, comme on dit à c’t’heure, une Anishnabé. A v’nait d’la réserve d’Oka. Le père de mon père a grandi à deux miles de Métis-sur-Mer. Pis du côté d’ma mère, c’est pareil. Des descendants d’Acadiens métissés de Micmacs qui vivaient à Sainte-Clothilde-de-Horton su’ l’bord d’la track, comme des Gitans.

Nous autres, des Bouchard d’la Normandie? Christ de joke de curé, oué… D’la christ de marde. On nous a pâlis maudit calvaire de pompier sale! Comme si on était des Juifs sous l’occupation allemande, en France, en 1944. Pâlis pour notre bien, bien sûr. Pour ne pas passer pour des hosties d’Sauvages. J’m’appelle pas Simon Ben Gourion mais François Dupont! J’m’appelle pas Makwa Grizzli mais Gaétan Bouchard!

Ces hosties de curés-là ont toutte faitte pour crisser ça dans ‘a tête de mon père, qu’on n’était pas des Sauvages, mais des chevaliers de la table ronde, avec une fleur-de-lys dans l’cul.

Tabarnak! On a gardé de nos racines que le paillard français qui a trempé sa bite dans ‘a p’lote de nos grands-mères. Maudit christ de saint-cibouérisation d’calice!

Ça fa’ qu’un m’ment d’nné e’j’me su’s dit qu’c’était assez. Toutte disait que j’étais un Sauvage. C’était écrit dans ma face saint-chrême, dans ‘a face de mon père, de mes frères, de ma mère, de mes ancêtres. On était des Métis calice! Pis on l’est d’venu, avec des cartes toé chose pis toutte le kit.

Mon pays, c’était encore l’hiver. Mais c’était aussi l’île Mékinak, l’Île de la Tortue. Pis j’me su’s mis à comprendre plein d’affaires sur moé et mon pays. D’abord que je ne savais rien de Saint-Laurent et Saint-Maurice. Comme tout le monde autour de moé. C’qui fait que j’ai rebaptisé mes noms de lieux : le fleuve Magtogoek, la rivière Métabéroutin, pis toutes sortes d’affaires de même. Pis ça fait juste commencer. C’est pas fini. Christ que non c’est pas fini.

J’me suis mis aussi à écouter les arbres. Fuck, c’est pas d’ma faute, mais nous autres les Sauvages on sait qu’i’ nous parlent, les arbres, les roches pis toutte le reste, juste parce que c’est comme ça. Nous sommes animistes, ouais. On pense qu’i’ a d’la vie dans toutte. C’est ben dur à comprendre ça, hein?

Moé, les arbres me parlent. Pis i’ m’disent crissez-nous don’ patience tabarnak!

-Arrachez pas mon écorce torrieu! Fendez-moé pas en quatre pour rien! Wo! Menute! J’su’s pas tout seul là-dedans… J’fais vivre des oiseaux, des moénaux, des pas beaux… Toutes sortes d’affaires de même… Christ! Wake up!

Ouin, ouin. Les arbres me parlent. Pis si j’peux prendre une feuille de moins, j’va’s l’faire. Pour être en parfaite symbiose avec le Grand cercle de la vie.

Ça se pourrait donc que mon texte ne soit pas publié dans Mollusque pa’ce qu’i’ faudrait que j’leu’ z’envoie une version imprimée par courrier postal, aux éditions Diptyque, à l’adresse de j’sais p’us trop qui, à Monrial. C’est sûr que j’f’rai pas ça.

Moé j’aime trop les arbres pis ça m’tente pas d’imprimer ça sur papier quand toutte se fait si simplement de nos jours par les voies électroniques. Hostie on n’est plus au temps des mandarins. C’est pas des rapports à doubles interlignes que j’fais, mais d’la littérature.

-Hostie d’Sauvages! qu’i’ vont s’dire en r’cevant mon texte. Faut toujours qu’i’ fassent chier en plus qu’i’ savent pas boire!

Ben oui, ben oui.

Vous vous attendez à quoi, que j’vous liche le cul?

No way.

J’su’s un Sauvage hostie.

Wou-wou-wou-wou-wou-wou!

Makwa Grizzli
Alias Gaétan Butch Bouchard

Ressac

Les vagues de la préférence m’ont laissée sur la berge, ensablée mais vivante, plus vivante que survivante, mes pas ont l’assurance des humbles qui ne cherchent plus mais savent que toute récolte est bonne et nourri.

Les mots morts le restent, les mots à naître iront les rejoindre bien assez tôt. Un cimetière de vies possibles où je me recueille parfois trop souvent.

Je m’attarde dès aujourd’hui à ceux qui vivent. Mon jardin, mon jardin bien aimé, tout près de la berge, mais assez loin pour l’oublier le temps d’une vie à vivre.