(pas) disciplinée

Curieux comment il y a moins de cinq and j’avais une carrière bâtie essentiellement sur ma force de caractère, ma drive, mon leadership et ma rigueur professionnelle. Aujourd’hui, à 41 ans, ces qualités sont reléguées au deuxième rang alors qu’on me sert un avis disciplinaire pour mon mauvais caractère. Un avis avec une date d’expiration. Si les choses ne changent pas d’ici six semaines, je me retrouverai au chômage. J’ai rarement eu plus envie de l’être. Le corporate speak me répugne. Alors que certains me félicitent de mon travail et m’encouragent dans mes initiatives de façon non-officielle, directement au dessus de moi on me tape sur la tête par écrit, parce que je dis exactement ce que je pense, mais surtout, directement aux personnes concernées et pas nécessairement sur le ton de Passe-Partout.

Je n’ai pas envie de changer. Je sais que j’ai très mauvais caractère, et je comprend ce qu’on me demande, mais je n’ai aucune, AUCUNE intention de me conformer. Si je n’ai que ça dans la vie, et bien c’est mon identité. On m’a dit “tu sais, perception is reality”, no shit Sherlock. Ce qu’on m’a appris aussi, c’est que je pourrais être 50% moins compétente et avoir une meilleure attitude (ver-ba-tim) et je ne serais pas dans le trouble dans lequel je suis présentement.

Me voici donc devant un dilemme absolument déchirant. Faker une volonté d’être autre chose pour ne pas offusquer les ostis d’eunuques avec qui je travaille, ou bien simplement attendre que les six semaines passent et me faire montrer la porte.

C'est quoi donc la toune?

If the words do not make it to the land of the saved, what they were meant to tell never existed. Some things are better off left alone. In silence. Put to death by a blinking cursor.

We don’t need to go there.
**

Mais d’autres choses vivent toujours. Les rêves sont tenaces, et menacent même de se réaliser parfois. C’est pourquoi il est important d’en avoir plus d’un! L’idée germe depuis des semaines, et à force d’en parler, celui-ci ressemble de plus en plus à un projet.

Visiter Blue, Harry et Éric? Faire une boucle avec escales, faire la fête, faire la vie. Traverser l’océan. Traverser l’O-CÉ-AN. Aller visiter des amis que j’aime, connaitre un nouveau pays, de nouveaux humains. Respirer un autre air, découvrir ses parfums. La Grèce sera encore là quand je déciderai d’y aller…

**
En attendant je m’en vais passer trois jours ici. On me trouve bien drôle d’y aller seule. Je me trouve plutôt chanceuse de pouvoir le faire. C’est quoi votre problème avec la solitude?

**
Ma grande a décidé de passer sa dernière session de cégep chez son père. C’est moi qui l’ai encouragée à y réfléchir sans se sentir coupable. Entre ses études et le violoncelle, elle a peu de temps, et c’est un stress additionnel ce trimbalage d’une place à l’autre aux deux semaines. Ne me restera que fiston. Bon, elle sera à 5 minutes de chez moi… Et bien que j’apprécie fort mes semaines quand je suis seule, les semaines où ils sont ici me rendent heureuse. Qu’elle ne revienne pas tout de suite me fait réaliser que ma vie risque de changer encore plus dans les années à venir. J’anticipe et j’apréhende. J’ai besoin d’eux autant qu’ils ont besoin de moi. L’amour, la proximité, le partage, la chaleur. Mais bien que je ne sois pas prête à les voir partir tous les deux définitivement, je ne peux nier ce besoin d’être seule.

Complètement, absolument, égoïstement, j’aime ma liberté.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=ZIoRQZ70b_Q?rel=0&w=560&h=315]

Sea above, sky below et tout ce qu'il y a entre les deux

Juste de même, je dis ça là. L’automne s’annonce assez spectaculaire.

C’est pas toujours beau quand on se plante les pieds dans la réalité. Mais ça aide à avoir des rêves qui ont un peu d’allure.

Not putting myself in a position to fail used to be quite the challenge. Le sol est ferme, l’air respirable, avancer possible.

Quoi? C’est pas une toune upbeat? Non, pas besoin. La découverte de chacune de ses notes, c’est ce qu’il faut retenir.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=J1TUgD8kG4o?rel=0&w=480&h=360]

Par un fil

Osti de retour de la mort. Départ en mini-panique de New York le vendredi en soirée, avec l’annonce d’évacuation et annulation des bus du samedi. Ride de nuit avec un arm-rest hoarder, des sièges en ciment et une tristesse frisant la peine d’amour. Je me suis arraché les yeux à tenter de déceler les lumières de la ville le plus longtemps possible. J’ai pris un grand respire une fois entrée dans la noirceur de la banlieue endormie et je me suis convaincue que ce n’était que temporaire. Je reviendrais. Bientôt.

Ça ne fait pas deux semaines et j’ai pourtant l’impression que ça fait des années. J’étais dans ma chambre, lumière tamisée, Dylan, encore Dylan, jouait pendant que mes doigts se faisaient aller sur le portable. Je ne pensais plus au départ depuis mon arrivée. J’étais tellement pas prête de la quitter…

En fait, je vivais une vie qui me semblait enfin réelle. Qui était mienne. L’air, l’eau, le bruit, le silence des soirées de semaine, les matins à peine engourdis, le Times, la vélocité.

Je ne suis pas faite pour être ici, dans cette vie, cette ville. À chaque voyage je reviens un peu plus déprimée. Mais qu’est-ce qui peut bien m’empêcher de vivre ce qui m’appelle si fort que les oreilles me bourdonnent à l’année, que je n’arrive même plus à me concentrer assez longtemps pour finir un chapitre, que la poitrine me sert à chaque matin quand l’alarme me projette dans le cauchemar de mon quotidien?

I’m obviously hanging onto something that wants to be let go.

Obviously. Cause my hands are bleeding mightily now.

Je me demande si mon éternel sentiment d’être à part, n’est pas finalement un message que j’ignore depuis trop longtemps. Je me perd dans une mer virtuelle où on s’applique à me mettre dans la face que je ne fitte pas là, ni là et encore moins ici. Aucun hashtag ne m’interpelle, et mes idées, mes intérêts sont au mieux ignorés, perdus dans la cacophonie des faux timides vaniteux avides de reconnaissance virtuelle. Les liens sont compliqués, les amitiés avortées, les messages sociaux véhiculés empreints de mercantilisme déguisé en originalité.

Il aura fallu que je me perde, solide, pour réaliser que ce que je suis, qui je suis, il n’y a que moi qui puisse le comprendre vraiment.

Comme dans un rêve

Le jour, c’est des rues et des avenues et des vies croisées et des rires d’inconnus mêlés à mes sourires. C’est le déli aux cent variétés de bières et aux sandwichs de la mort. C’est les odeurs, la chaleur, le rythme dans lequel je me glisse sans effort et qui m’entraîne toujours un peu plus loin au sud, au nord, à l’ouest. C’est le sentiment constant qu’ici, je ne serai jamais invisible. Dur à croire, dur à comprendre, mais surtout, difficile à expliquer. J’y reviendrai.

Me suis retrouvée au mileu d’une horde de coureurs sur la 72ème qui traverse Central Park en me disant que je me mettrais au jogging aussi si j’habitais ici. Et puis on m’a joué du Liszt et du Schubert, comme ça, à la belle étoile et en retrant j’ai pris Park vers le sud et j’ai fait de gros yeux aux gargouilles millionaires qui me guettaient du 29ème étage.

J’ai exploré le sous-sol du Strand, sacré après les touristes sur le pont de Brooklyn, me suis mêlée à la foule à Bryant Park quelques minutes avant d’entrer dans la bibliothèque et de m’y perdre intentionnelement.

Il me reste encore trois journées complète. C’est beaucoup, et pas assez. J’ai pas envie de partir.

Le soir je m’installe ici

Et j’écoute ça

http://www.youtube.com/watch?v=RBBYXt9Uyk0

Passer GO, à tous les tours

Je vais essayer de ne pas écouter QUE du Dylan dans le bus.

Je pars dans moins de huit heures, les nerfs en boule, la tête en feu, l’esprit tranquille.

Alors que je me trouve pas mal “tame” dans mes moves de vie, j’ai des amies pour me rappeler que c’est pas mal cool ce que je vis présentement. Mais que ce n’est qu’à la hauteur de qui je suis. Justement. Qui je suis. C’est des retrouvailles en quelque sorte.

-Hey you! Long time no see, what have you been up to?

-Dunno.

-What do you mean you don’t know?

-I don’t, really. Except that there was this guy, and there was this girl, and the girl really wanted the guy to love her, so I guess she got lost trying.

J’ai quarante ans. Voilà. Ça fait quelques mois déjà, mais aujourd’hui, en ce moment, j’ai mon âge, et je l’aime. J’ai des rêves encore, et à quarante ans, finalement, je n’ai plus peur de ne jamais les vivre. Au contraire. C’est que je puisse qui me fait peur un peu maintenant.

C’est une peur superbe, magnifique, magique.

À go j’en vis un autre ok?

Go.

 
[youtube http://www.youtube.com/watch?v=K6MRdFjvjXw?rel=0&w=480&h=390]

La route, les humains, le retour

Cedar Point, le Rock and Roll Hall of Fame, 2150 kilomètres, mon fils, de la musique. Jours heureux. En dedans, ça va pas toujours bien, mais y a de ces moments qui font tout oublier, qui font que je me lève à chaque matin, au cas où. Au cas où je pourrais en revivre des comme ça. Dans neuf dodos je serai sur le bus vers New York. Aucune misère à me lever pour les prochains jours je pense.

Je dépose ici deux textes publiés ailleurs, pour les pas sorteux 😉

***

Sur la route

 

On annonce des travaux et un détour. « Euh, attend minute, je suis supposée aller où moi-là? » Ça ne fait pas 100 km qu’on est au Québec, déjà je sacre et je me sens perdue. Sans compter que je tiens maintenant mon volant à deux mains de peur de perdre le contrôle à force de chevaucher les accotements suite aux déviations aléatoires et incompréhensibles qui se présentent depuis quelques minutes.

 

« Voyons, est-ce que je suis supposée sortir ici? Ah fuck, je pense que j’ai manqué la sortie du détour! » Oh, non, finalement, c’est juste 5 km plus loin, ok, fiou. Haha, pas si vite! On y va de sinueuses manœuvres afin de ne pas abîmer le pare-choc ou les ailes sur les rambardes de béton qui sont supposés me guider à bon port, c'est-à-dire dans le centre-ville de Dorion, évidemment. On rejoint enfin l’autre tronçon de la 20. Ça va pas si mal jusqu’à Lasalle, où les cônes oranges se font de la grosse compétition pour m’aider à sortir de ma voie et aller frapper une voiture dans l’autre. Mais on s’en sort sans heurts.

 

Déjà je ne remarque plus les trous, les craques, les cahots qui tous collés ensemble forment notre réseau routier. Depuis la sortie 14 mon volant vibre, mes essieux se lamentent. La normale quoi.

 

Ahhhh, enfin, on approche du Pont Champlain. Ça fait dix heures qu’on roule. J’en ai ma claque, mais je suis heureuse de rentrer à la maison, retrouver les minous, dormir dans mon lit. Je dis bien : on approche. Et c’est tout ce que l’on fera. Bien avant la sortie Atwater, c’est un stationnement rempli de totons agressifs(1) et de touristes perdus et désemparés qui nous accueille. Après consultation rapide on décide d’aller chercher Victoria, qui nous coûtera quelques kilomètres supplémentaires, mais qui nous permet de passer de l’illusion à la réalité et de rentrer enfin à la maison.

 

Ça ne s’explique tout simplement pas. Comment en est-on arrivés à un si gigantesque fiasco? Mais de quelle gestion le gouvernement parle-t-il? On nous a appris il y a quelques semaines que d’offrir des services publiques est un choix de société. Je n’ai absolument pas choisi que ces "services" soient offerts au détriment de la sécurité (et de la santé mentale) de la population sur les routes. Et vous, on vous a consulté? Sam Hammad nous rassure : « Toutes les routes qui sont ouvertes sont sécuritaires ». Ce dernier a d’ailleurs en main le rapport d’inspection de Mercier mais refuse de le rendre publique pour l’instant. À la vitesse où le réseau se détériore, prendre la route sera un risque qui coûtera si cher que les compagnies d’assurances ne couvriront plus rien. Déjà que plus personne n’est responsable des dommages causés par les nids de poules et autres déficiences de la voie publique…

 

J’ai roulé 2000 kilomètres sur des routes lisses, droites et dégagées. J’ai passé sur des chantiers si ordonnés qu’il était difficile de croire qu’il y avait des travailleurs sur place. On m’a avisée des miles à l’avance de déviations et de détours. On m’a même avisée de dos d’ânes minuscules (bump ahead). Pour 2000 kilomètres de routes parfaites, ça m’aura coûté au total 19,30$ en péage. Mais absolument rien en migraine, stress, agressivité, perte de patience, égarements dus à des détours, etc. C’est ce genre de choix de société que j’aimerais faire. Un genre où au lieu de croire que tout va bien (et que des tunnels s’écroulent mais que c’est normal) on n’attende pas que le Pont Champlain s’abîme dans le St-Laurent pour exiger que des comptes nous soient rendus.

 

(1).Oui, il y aura une suite… 

 

***

 

Sur les humains

 

C’est pas que j’aie envie de jouer au jeu des comparaisons. Et comme je le disais précédemment, j’avais quand même hâte de revenir à la maison (mon lit… ah, mon LIT!). Mais les humains ne me manquaient pas tant que ça, et je l’ai réalisé au moment où on est arrivés dans le trafic de la 20. Tout a basculé. Ou plutôt, tout est revenu à la normale.

 

Les panneaux vantant les vertus de la courtoisie au volant me font toujours rire. Paradoxalement, je trouve assez triste de devoir se faire rappeler de se comporter en humains par le gouvernement. Sur la route, dans le métro, dans le bus, partout, des messages où on nous incite à céder notre place, à recycler, à ne pas conduire de façon agressive. Que cela ne vienne pas naturellement m’échappe complètement. Et plusieurs fois par jour j’éprouve déception et frustration face à l’indifférence et l’égoïsme des gens qui m’entourent.

 

Tenir une porte, retenir un ascenseur, laisser sa place dans le métro, attendre son tour, être poli, sourire, dire merci, être conscient des gens qui nous entourent et respecter leur espace personnel, ça me semble des choses tout à fait normales, et pourtant…

 

Sur les centaines de kilomètres parcourus, je ne me suis pas fait tailgater une seule fois. Savez, cette fabuleuse habitude que vous avez de coller dans le cul de la voiture devant vous pour lui signifier gentiment que vous voulez passer? Ici, sur un parcours de 25 kilomètres pour me rendre au métro, ça m’arrive au moins 2-3 fois. Et vous savez aussi, cette super façon que vous avez de zigzaguer d’une voie à l’autre en fou dangereux pour gagner quelques minutes sur votre parcours? Pas vu ça non plus. Ah si, une fois. Sur la 81 vers la douane. C’était un québécois.

 

Ce qui nous a le plus étonné à Cedar Point, c’est le civisme des gens, leur politesse. Et le professionnalisme des employés. Pas de bousculades, pas d’enfants rois en crise affalés au centre de la place. Des gens respectueux, courtois, calmes. Des enfants, des ENFANTS! qui tiennent la barrière d’un manège ouverte pour les autres. La journée de notre visite le parc n’était pas à pleine capacité, mais l’achalandage était quand même impressionnant et malgré cela, dans tous les manèges, les employés étaient avenants et d’une efficacité redoutable. Dans les lignes d’attentes, pas un seul conflit, aucune impatience. Seulement des gens qui jasent calmement en attendant leur tour. Et malgré les milliers de personnes présentes cette journée-là, la propreté du parc était frappante. Faut dire que les clients des restaurants se ramassaient et que les poubelles étaient nombreuses et facilement accessibles.

 

La clientèle de Cedar Point est principalement composée de visiteurs de l’Ohio, du Michigan, de la Pennsylvanie et de l’Indiana. J’ignore si c’est régional, mais l’impression qui me restera de ce voyage, c’est que la courtoisie et le civisme est en voie d’extinction au Québec. La chaleur humaine de Denise, notre hôte, et aussi des étrangers croisés tout au long de notre voyage me manque. Je me sentais plus chez moi là-bas qu’ici. Peut-être que finalement, être chez-soi a plus à voir avec les valeurs et les qualités des humains qui nous entourent qu’avec une simple situation géographique.

 

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Parlant de rêve… Lors de l'annonce, j'ai hésité un quart de seconde. et puis je me suis dit fuck it. Let's go. Je le veux? Je le fais. Je n'ai jamais dépensé autant pour un spectacle, mais j'ai quarante ans et quand aurai-je la chance de voir un Beatle dans ma vie? Fait que… Oui, je suis allée voir Paul McCartney et c'était parfait, magique. Une bombe de bonheur a explosé dans mon coeur, j'ai ri, dansé, pleuré, oh tellement pleuré. Toute seule au bout de ma rangée, un gros sourire épais dans la face, j'ai gueulé Let me roll it, 1985, I've got a feeling, et à la fin oh my god Golden slumbers, Carry that weight, The end, j'ai braillé en chantant encore et encore. Les détracteurs, je les plains. Ils ne connaitront jamais cette extase, héhé! Tu vas pas voir McCartney pour ses nouvelles tounes, tu y vas pour le voyage dans le temps. Et sincèrement, c'est de toute beauté de voir la générosité de ce gars-là sur la scène. Il le sait ce que les gens veulent entendre. Il nous le donne, pendant trois heures et demie, avec le sourire.

***

Inspirée par Christian, qui dit au sujet de son fils: "Best damn thing I ever made in my life.", je réalise que tous les rêves que je me permets de vivre présentement, c'est grâce à l'amour qui m’entoure. Les mots et les gestes que cela provoque en l'humain, c'est un peu ça le sel de la vie non? Je disais à une amie que de regarder ma fille entrer dans l’âge adulte est la chose la plus émouvante qu’il m’ait été donné de voir. Plus mes enfants avancent dans la vie, plus je comprends ce qu’elle a à offrir. Je ne veux plus m’attarder à ce que je n’ai pas compris, à ce que j’aurais dû comprendre. Je veux profiter de la maturité qui semble enfin se pointer le nez chez moi. Je ne savoure pas ma solitude, je ne la vis pas. Je vis, point. Et certains jours ça a plus de sens que je ne l’aurais jamais cru possible.

 

Ce n'est pas une aporie

 

La beauté m’épuise. Je suis exténuée de ces combats intérieurs, des tempêtes qu’elle déclenche, des douleurs qu’elle provoque. Et le reflet dans mon esprit qu’elle salope dès que je mets le pied dehors.

 

Les corps, les visages, les cheveux, tous après moi, tous à me rappeler qu’ils ne m’appartiennent pas. Et je marche en regardant par terre, me demandant combien de temps vais-je tenir. Combien de pas jusqu’à la station de métro, combien d’arrêts avant le mien, ok, j’arrive à la maison. J’ai le souffle court. Je me précipite dans la salle de bain et ferme la porte pour me regarder dans la glace accrochée derrière.

 

Rien. Tout est pareil comme ce matin. Mais comment est-ce possible alors que j’avais l’impression d’être une monstruosité il n’y a pas dix minutes?

 

***

 

À 9h30, dernier coup d’oeil au miroir avant le départ vers le boulot. Tout me semble correct. Il y a même certains matins où je me risque une pose, un sourire. Me semble que c’est pas mal du tout.

 

10h, arrivée au 15ième étage tout est fini. Évaporé. Je tiens bon, quelques relents de la confiance que j’avais il y a encore quelques minutes s’accrochant à mon esprit. Par le temps que l’heure du lunch arrive, j’ai engraissé de 50 livres, j’ai des boutons gros comme des cerises, mes cheveux me donnent l’impression que j’ai une balle de foin sur la tête et mes vêtements me vont aussi bien que si c’étaient des guenilles ramassées dans le fond d’une ruelle un lendemain de parade de la St-Patrick.

 

18h, je quitte le bureau, arrêt à la salle de bain, j’évite même pas le miroir. J’y vois exactement ce que j’ai imaginé toute la journée.

 

***

 

J’évite les bars, j’évite les sorties, les restos. Les regards surtout. Et quand j’arrive à sortir, à parler aux autres, c’est au prix d’un effort qui est difficile à décrire tant il m’est exigeant. La bière aidant, dans une soirée je peux m’amuser ferme, jaser, rire, avoir l’air tout à fait normale par contre.

 

J’ai oublié le regard des hommes sur moi depuis longtemps. J’ai abandonné l’idée même de l’existence de celui-ci, m’évitant ainsi une épaisseur supplémentaire de déception. L’acceptation qu’il n’y est pas, qu’il n’a pas lieu d’être, est plus supportable que l’illusion et l’espoir et l’attente.

 

On a beau s’accrocher à des vérités que l’on sait vraies, pures, nobles, saines, quand même, il y aura toujours cette partie d’être une femme qui me manque. Parce qu’elle a déjà existé. Mais les années, la vie, les déceptions, les absences, et ma folie parfois, l’ont anéanti. Au cours de cette vie, quand l’amour semblait vouloir se tirer, j’aurai cru que c’était à cause de mon corps, mon visage, mes cheveux. Et j’aurai tenté, sans succès, de faire mieux, d’être plus ceci, ou plus cela. Toujours plus, sans jamais réaliser à quel point j’endommageais ma propre identité à force d’essayer d’être tout sauf moi.

 

Et maintenant qu’il n’y a que moi, que je n’ai plus à faire semblant, il me reste quoi?

Ce n'est pas une aporie

 

La beauté m’épuise. Je suis exténuée de ces combats intérieurs, des tempêtes qu’elle déclenche, des douleurs qu’elle provoque. Et le reflet dans mon esprit qu’elle salope dès que je mets le pied dehors.

 

Les corps, les visages, les cheveux, tous après moi, tous à me rappeler qu’ils ne m’appartiennent pas. Et je marche en regardant par terre, me demandant combien de temps vais-je tenir. Combien de pas jusqu’à la station de métro, combien d’arrêts avant le mien, ok, j’arrive à la maison. J’ai le souffle court. Je me précipite dans la salle de bain et ferme la porte pour me regarder dans la glace accrochée derrière.

 

Rien. Tout est pareil comme ce matin. Mais comment est-ce possible alors que j’avais l’impression d’être une monstruosité il n’y a pas dix minutes?

 

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À 9h30, dernier coup d’oeil au miroir avant le départ vers le boulot. Tout me semble correct. Il y a même certains matins où je me risque une pose, un sourire. Me semble que c’est pas mal du tout.

 

10h, arrivée au 15ième étage tout est fini. Évaporé. Je tiens bon, quelques relents de la confiance que j’avais il y a encore quelques minutes s’accrochant à mon esprit. Par le temps que l’heure du lunch arrive, j’ai engraissé de 50 livres, j’ai des boutons gros comme des cerises, mes cheveux me donnent l’impression que j’ai une balle de foin sur la tête et mes vêtements me vont aussi bien que si c’étaient des guenilles ramassées dans le fond d’une ruelle un lendemain de parade de la St-Patrick.

 

18h, je quitte le bureau, arrêt à la salle de bain, j’évite même pas le miroir. J’y vois exactement ce que j’ai imaginé toute la journée.

 

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J’évite les bars, j’évite les sorties, les restos. Les regards surtout. Et quand j’arrive à sortir, à parler aux autres, c’est au prix d’un effort qui est difficile à décrire tant il m’est exigeant. La bière aidant, dans une soirée je peux m’amuser ferme, jaser, rire, avoir l’air tout à fait normale par contre.

 

J’ai oublié le regard des hommes sur moi depuis longtemps. J’ai abandonné l’idée même de l’existence de celui-ci, m’évitant ainsi une épaisseur supplémentaire de déception. L’acceptation qu’il n’y est pas, qu’il n’a pas lieu d’être, est plus supportable que l’illusion et l’espoir et l’attente.

 

On a beau s’accrocher à des vérités que l’on sait vraies, pures, nobles, saines, quand même, il y aura toujours cette partie d’être une femme qui me manque. Parce qu’elle a déjà existé. Mais les années, la vie, les déceptions, les absences, et ma folie parfois, l’ont anéanti. Au cours de cette vie, quand l’amour semblait vouloir se tirer, j’aurai cru que c’était à cause de mon corps, mon visage, mes cheveux. Et j’aurai tenté, sans succès, de faire mieux, d’être plus ceci, ou plus cela. Toujours plus, sans jamais réaliser à quel point j’endommageais ma propre identité à force d’essayer d’être tout sauf moi.

 

Et maintenant qu’il n’y a que moi, que je n’ai plus à faire semblant, il me reste quoi?