Comme dans un rêve

Le jour, c’est des rues et des avenues et des vies croisées et des rires d’inconnus mêlés à mes sourires. C’est le déli aux cent variétés de bières et aux sandwichs de la mort. C’est les odeurs, la chaleur, le rythme dans lequel je me glisse sans effort et qui m’entraîne toujours un peu plus loin au sud, au nord, à l’ouest. C’est le sentiment constant qu’ici, je ne serai jamais invisible. Dur à croire, dur à comprendre, mais surtout, difficile à expliquer. J’y reviendrai.

Me suis retrouvée au mileu d’une horde de coureurs sur la 72ème qui traverse Central Park en me disant que je me mettrais au jogging aussi si j’habitais ici. Et puis on m’a joué du Liszt et du Schubert, comme ça, à la belle étoile et en retrant j’ai pris Park vers le sud et j’ai fait de gros yeux aux gargouilles millionaires qui me guettaient du 29ème étage.

J’ai exploré le sous-sol du Strand, sacré après les touristes sur le pont de Brooklyn, me suis mêlée à la foule à Bryant Park quelques minutes avant d’entrer dans la bibliothèque et de m’y perdre intentionnelement.

Il me reste encore trois journées complète. C’est beaucoup, et pas assez. J’ai pas envie de partir.

Le soir je m’installe ici

Et j’écoute ça

http://www.youtube.com/watch?v=RBBYXt9Uyk0

Passer GO, à tous les tours

Je vais essayer de ne pas écouter QUE du Dylan dans le bus.

Je pars dans moins de huit heures, les nerfs en boule, la tête en feu, l’esprit tranquille.

Alors que je me trouve pas mal “tame” dans mes moves de vie, j’ai des amies pour me rappeler que c’est pas mal cool ce que je vis présentement. Mais que ce n’est qu’à la hauteur de qui je suis. Justement. Qui je suis. C’est des retrouvailles en quelque sorte.

-Hey you! Long time no see, what have you been up to?

-Dunno.

-What do you mean you don’t know?

-I don’t, really. Except that there was this guy, and there was this girl, and the girl really wanted the guy to love her, so I guess she got lost trying.

J’ai quarante ans. Voilà. Ça fait quelques mois déjà, mais aujourd’hui, en ce moment, j’ai mon âge, et je l’aime. J’ai des rêves encore, et à quarante ans, finalement, je n’ai plus peur de ne jamais les vivre. Au contraire. C’est que je puisse qui me fait peur un peu maintenant.

C’est une peur superbe, magnifique, magique.

À go j’en vis un autre ok?

Go.

 
[youtube http://www.youtube.com/watch?v=K6MRdFjvjXw?rel=0&w=480&h=390]

Then is so far behind

“I find it wholesome to be alone the greater part of the time. To be in company, even with the best, is soon wearisome and dissipating. I love to be alone. I never found the companion that was so companionable as solitude.” -HDT, Walden

 

“There was a little fuck you in my step, there was a little fuck you in my grin.

And it all made sad sense.

How weight can be worn in so many different ways.

Layers upon layers, the ground covered and still I walk, because that’s all I am built to do.

Fuck baby steps. I’m walking in strides.” –Me

 
[youtube http://www.youtube.com/watch?v=lmE6g0EjmTM?rel=0]

La route, les humains, le retour

Cedar Point, le Rock and Roll Hall of Fame, 2150 kilomètres, mon fils, de la musique. Jours heureux. En dedans, ça va pas toujours bien, mais y a de ces moments qui font tout oublier, qui font que je me lève à chaque matin, au cas où. Au cas où je pourrais en revivre des comme ça. Dans neuf dodos je serai sur le bus vers New York. Aucune misère à me lever pour les prochains jours je pense.

Je dépose ici deux textes publiés ailleurs, pour les pas sorteux 😉

***

Sur la route

 

On annonce des travaux et un détour. « Euh, attend minute, je suis supposée aller où moi-là? » Ça ne fait pas 100 km qu’on est au Québec, déjà je sacre et je me sens perdue. Sans compter que je tiens maintenant mon volant à deux mains de peur de perdre le contrôle à force de chevaucher les accotements suite aux déviations aléatoires et incompréhensibles qui se présentent depuis quelques minutes.

 

« Voyons, est-ce que je suis supposée sortir ici? Ah fuck, je pense que j’ai manqué la sortie du détour! » Oh, non, finalement, c’est juste 5 km plus loin, ok, fiou. Haha, pas si vite! On y va de sinueuses manœuvres afin de ne pas abîmer le pare-choc ou les ailes sur les rambardes de béton qui sont supposés me guider à bon port, c'est-à-dire dans le centre-ville de Dorion, évidemment. On rejoint enfin l’autre tronçon de la 20. Ça va pas si mal jusqu’à Lasalle, où les cônes oranges se font de la grosse compétition pour m’aider à sortir de ma voie et aller frapper une voiture dans l’autre. Mais on s’en sort sans heurts.

 

Déjà je ne remarque plus les trous, les craques, les cahots qui tous collés ensemble forment notre réseau routier. Depuis la sortie 14 mon volant vibre, mes essieux se lamentent. La normale quoi.

 

Ahhhh, enfin, on approche du Pont Champlain. Ça fait dix heures qu’on roule. J’en ai ma claque, mais je suis heureuse de rentrer à la maison, retrouver les minous, dormir dans mon lit. Je dis bien : on approche. Et c’est tout ce que l’on fera. Bien avant la sortie Atwater, c’est un stationnement rempli de totons agressifs(1) et de touristes perdus et désemparés qui nous accueille. Après consultation rapide on décide d’aller chercher Victoria, qui nous coûtera quelques kilomètres supplémentaires, mais qui nous permet de passer de l’illusion à la réalité et de rentrer enfin à la maison.

 

Ça ne s’explique tout simplement pas. Comment en est-on arrivés à un si gigantesque fiasco? Mais de quelle gestion le gouvernement parle-t-il? On nous a appris il y a quelques semaines que d’offrir des services publiques est un choix de société. Je n’ai absolument pas choisi que ces "services" soient offerts au détriment de la sécurité (et de la santé mentale) de la population sur les routes. Et vous, on vous a consulté? Sam Hammad nous rassure : « Toutes les routes qui sont ouvertes sont sécuritaires ». Ce dernier a d’ailleurs en main le rapport d’inspection de Mercier mais refuse de le rendre publique pour l’instant. À la vitesse où le réseau se détériore, prendre la route sera un risque qui coûtera si cher que les compagnies d’assurances ne couvriront plus rien. Déjà que plus personne n’est responsable des dommages causés par les nids de poules et autres déficiences de la voie publique…

 

J’ai roulé 2000 kilomètres sur des routes lisses, droites et dégagées. J’ai passé sur des chantiers si ordonnés qu’il était difficile de croire qu’il y avait des travailleurs sur place. On m’a avisée des miles à l’avance de déviations et de détours. On m’a même avisée de dos d’ânes minuscules (bump ahead). Pour 2000 kilomètres de routes parfaites, ça m’aura coûté au total 19,30$ en péage. Mais absolument rien en migraine, stress, agressivité, perte de patience, égarements dus à des détours, etc. C’est ce genre de choix de société que j’aimerais faire. Un genre où au lieu de croire que tout va bien (et que des tunnels s’écroulent mais que c’est normal) on n’attende pas que le Pont Champlain s’abîme dans le St-Laurent pour exiger que des comptes nous soient rendus.

 

(1).Oui, il y aura une suite… 

 

***

 

Sur les humains

 

C’est pas que j’aie envie de jouer au jeu des comparaisons. Et comme je le disais précédemment, j’avais quand même hâte de revenir à la maison (mon lit… ah, mon LIT!). Mais les humains ne me manquaient pas tant que ça, et je l’ai réalisé au moment où on est arrivés dans le trafic de la 20. Tout a basculé. Ou plutôt, tout est revenu à la normale.

 

Les panneaux vantant les vertus de la courtoisie au volant me font toujours rire. Paradoxalement, je trouve assez triste de devoir se faire rappeler de se comporter en humains par le gouvernement. Sur la route, dans le métro, dans le bus, partout, des messages où on nous incite à céder notre place, à recycler, à ne pas conduire de façon agressive. Que cela ne vienne pas naturellement m’échappe complètement. Et plusieurs fois par jour j’éprouve déception et frustration face à l’indifférence et l’égoïsme des gens qui m’entourent.

 

Tenir une porte, retenir un ascenseur, laisser sa place dans le métro, attendre son tour, être poli, sourire, dire merci, être conscient des gens qui nous entourent et respecter leur espace personnel, ça me semble des choses tout à fait normales, et pourtant…

 

Sur les centaines de kilomètres parcourus, je ne me suis pas fait tailgater une seule fois. Savez, cette fabuleuse habitude que vous avez de coller dans le cul de la voiture devant vous pour lui signifier gentiment que vous voulez passer? Ici, sur un parcours de 25 kilomètres pour me rendre au métro, ça m’arrive au moins 2-3 fois. Et vous savez aussi, cette super façon que vous avez de zigzaguer d’une voie à l’autre en fou dangereux pour gagner quelques minutes sur votre parcours? Pas vu ça non plus. Ah si, une fois. Sur la 81 vers la douane. C’était un québécois.

 

Ce qui nous a le plus étonné à Cedar Point, c’est le civisme des gens, leur politesse. Et le professionnalisme des employés. Pas de bousculades, pas d’enfants rois en crise affalés au centre de la place. Des gens respectueux, courtois, calmes. Des enfants, des ENFANTS! qui tiennent la barrière d’un manège ouverte pour les autres. La journée de notre visite le parc n’était pas à pleine capacité, mais l’achalandage était quand même impressionnant et malgré cela, dans tous les manèges, les employés étaient avenants et d’une efficacité redoutable. Dans les lignes d’attentes, pas un seul conflit, aucune impatience. Seulement des gens qui jasent calmement en attendant leur tour. Et malgré les milliers de personnes présentes cette journée-là, la propreté du parc était frappante. Faut dire que les clients des restaurants se ramassaient et que les poubelles étaient nombreuses et facilement accessibles.

 

La clientèle de Cedar Point est principalement composée de visiteurs de l’Ohio, du Michigan, de la Pennsylvanie et de l’Indiana. J’ignore si c’est régional, mais l’impression qui me restera de ce voyage, c’est que la courtoisie et le civisme est en voie d’extinction au Québec. La chaleur humaine de Denise, notre hôte, et aussi des étrangers croisés tout au long de notre voyage me manque. Je me sentais plus chez moi là-bas qu’ici. Peut-être que finalement, être chez-soi a plus à voir avec les valeurs et les qualités des humains qui nous entourent qu’avec une simple situation géographique.

 

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Parlant de rêve… Lors de l'annonce, j'ai hésité un quart de seconde. et puis je me suis dit fuck it. Let's go. Je le veux? Je le fais. Je n'ai jamais dépensé autant pour un spectacle, mais j'ai quarante ans et quand aurai-je la chance de voir un Beatle dans ma vie? Fait que… Oui, je suis allée voir Paul McCartney et c'était parfait, magique. Une bombe de bonheur a explosé dans mon coeur, j'ai ri, dansé, pleuré, oh tellement pleuré. Toute seule au bout de ma rangée, un gros sourire épais dans la face, j'ai gueulé Let me roll it, 1985, I've got a feeling, et à la fin oh my god Golden slumbers, Carry that weight, The end, j'ai braillé en chantant encore et encore. Les détracteurs, je les plains. Ils ne connaitront jamais cette extase, héhé! Tu vas pas voir McCartney pour ses nouvelles tounes, tu y vas pour le voyage dans le temps. Et sincèrement, c'est de toute beauté de voir la générosité de ce gars-là sur la scène. Il le sait ce que les gens veulent entendre. Il nous le donne, pendant trois heures et demie, avec le sourire.

***

Inspirée par Christian, qui dit au sujet de son fils: "Best damn thing I ever made in my life.", je réalise que tous les rêves que je me permets de vivre présentement, c'est grâce à l'amour qui m’entoure. Les mots et les gestes que cela provoque en l'humain, c'est un peu ça le sel de la vie non? Je disais à une amie que de regarder ma fille entrer dans l’âge adulte est la chose la plus émouvante qu’il m’ait été donné de voir. Plus mes enfants avancent dans la vie, plus je comprends ce qu’elle a à offrir. Je ne veux plus m’attarder à ce que je n’ai pas compris, à ce que j’aurais dû comprendre. Je veux profiter de la maturité qui semble enfin se pointer le nez chez moi. Je ne savoure pas ma solitude, je ne la vis pas. Je vis, point. Et certains jours ça a plus de sens que je ne l’aurais jamais cru possible.

 

Des plans de vacances pour mettre de la lumière

Après un gros mois (deux?) assez noir, les coups de pieds au cul commencent enfin à porter fruit. Pendant tout ce temps où j'étais perdue dans ma tête à me morfondre, gratter les gales et pleurnicher j'ai tout de même pris le temps de penser à mes vacances.

Donc, première étape, le Rock and Roll Hall of Fame à Cleveland, suivi du parc Cedar Point à Sandusky. Deux endroits que je rêve de visiter depuis longtemps. Cedar Point, c'est là où on retrouve le Top Thrill Dragster…

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=EngQ1TcOhZo?rel=0]

Donc, petit voyage de quatre jours avec fiston dans la région. J'y ai loué une petite maison de… rêve!

Ensuite, un peu de boulot, et encore un peu de vacances. Au départ je voulais aller à San Francisco, mais la vie étant ce qu'elle est, ce n'est juste pas possible pour cette fois. Qu'à cela ne tienne, ce sera New York! Oh, oui, Manhattan à moi toute seule pour une belle grosse semaine. Toutes les fois où j'y suis allée, c'était avec des gens pour qui c'était leur première visite. Cette fois, ce sera pour moi ce voyage.

Pour l'hébergement, j'ai beaucoup hésité. J'ai failli louer un studio dans l'upper (très upper, presque harlem) east side. Mais moi, j'aime l'East Village et tant qu'à me payer un trip New Yorkais, j'ai décidé d'y aller à fond. Donc pour la deuxième fois j'irai au Carlton Arms. C'est vraiment pas cher, pour les intéressés. 500$ pour une semaine, pour une chambre simple avec salle de bain partagée. Mais la beauté du Carlton Arms, c'est que c'est une gallerie d'art perpétuelle. Chaque chambre est une oeuvre d'art, créée par des artistes d'à travers le monde. Je vous invite à visiter le site de la gallerie pour comprendre et apprécier.

J'aimerais bien pouvoir choisir ma chambre, mais c'est pas possible. Tu arrives, ils te donnent 2-3 clés, et ils te disent, va visiter et choisi ta chambre. Ce qui est tout aussi cool. J'espère secrètement avoir celle-ci:

Alors c'est ça, c'est les plans. Dans moins de deux semaines Clevland, et dans un mois exactement je serai dans le bus pour ma ville d'adoption. J'ai hâte.

Ce n'est pas une aporie

 

La beauté m’épuise. Je suis exténuée de ces combats intérieurs, des tempêtes qu’elle déclenche, des douleurs qu’elle provoque. Et le reflet dans mon esprit qu’elle salope dès que je mets le pied dehors.

 

Les corps, les visages, les cheveux, tous après moi, tous à me rappeler qu’ils ne m’appartiennent pas. Et je marche en regardant par terre, me demandant combien de temps vais-je tenir. Combien de pas jusqu’à la station de métro, combien d’arrêts avant le mien, ok, j’arrive à la maison. J’ai le souffle court. Je me précipite dans la salle de bain et ferme la porte pour me regarder dans la glace accrochée derrière.

 

Rien. Tout est pareil comme ce matin. Mais comment est-ce possible alors que j’avais l’impression d’être une monstruosité il n’y a pas dix minutes?

 

***

 

À 9h30, dernier coup d’oeil au miroir avant le départ vers le boulot. Tout me semble correct. Il y a même certains matins où je me risque une pose, un sourire. Me semble que c’est pas mal du tout.

 

10h, arrivée au 15ième étage tout est fini. Évaporé. Je tiens bon, quelques relents de la confiance que j’avais il y a encore quelques minutes s’accrochant à mon esprit. Par le temps que l’heure du lunch arrive, j’ai engraissé de 50 livres, j’ai des boutons gros comme des cerises, mes cheveux me donnent l’impression que j’ai une balle de foin sur la tête et mes vêtements me vont aussi bien que si c’étaient des guenilles ramassées dans le fond d’une ruelle un lendemain de parade de la St-Patrick.

 

18h, je quitte le bureau, arrêt à la salle de bain, j’évite même pas le miroir. J’y vois exactement ce que j’ai imaginé toute la journée.

 

***

 

J’évite les bars, j’évite les sorties, les restos. Les regards surtout. Et quand j’arrive à sortir, à parler aux autres, c’est au prix d’un effort qui est difficile à décrire tant il m’est exigeant. La bière aidant, dans une soirée je peux m’amuser ferme, jaser, rire, avoir l’air tout à fait normale par contre.

 

J’ai oublié le regard des hommes sur moi depuis longtemps. J’ai abandonné l’idée même de l’existence de celui-ci, m’évitant ainsi une épaisseur supplémentaire de déception. L’acceptation qu’il n’y est pas, qu’il n’a pas lieu d’être, est plus supportable que l’illusion et l’espoir et l’attente.

 

On a beau s’accrocher à des vérités que l’on sait vraies, pures, nobles, saines, quand même, il y aura toujours cette partie d’être une femme qui me manque. Parce qu’elle a déjà existé. Mais les années, la vie, les déceptions, les absences, et ma folie parfois, l’ont anéanti. Au cours de cette vie, quand l’amour semblait vouloir se tirer, j’aurai cru que c’était à cause de mon corps, mon visage, mes cheveux. Et j’aurai tenté, sans succès, de faire mieux, d’être plus ceci, ou plus cela. Toujours plus, sans jamais réaliser à quel point j’endommageais ma propre identité à force d’essayer d’être tout sauf moi.

 

Et maintenant qu’il n’y a que moi, que je n’ai plus à faire semblant, il me reste quoi?

Ce n'est pas une aporie

 

La beauté m’épuise. Je suis exténuée de ces combats intérieurs, des tempêtes qu’elle déclenche, des douleurs qu’elle provoque. Et le reflet dans mon esprit qu’elle salope dès que je mets le pied dehors.

 

Les corps, les visages, les cheveux, tous après moi, tous à me rappeler qu’ils ne m’appartiennent pas. Et je marche en regardant par terre, me demandant combien de temps vais-je tenir. Combien de pas jusqu’à la station de métro, combien d’arrêts avant le mien, ok, j’arrive à la maison. J’ai le souffle court. Je me précipite dans la salle de bain et ferme la porte pour me regarder dans la glace accrochée derrière.

 

Rien. Tout est pareil comme ce matin. Mais comment est-ce possible alors que j’avais l’impression d’être une monstruosité il n’y a pas dix minutes?

 

***

 

À 9h30, dernier coup d’oeil au miroir avant le départ vers le boulot. Tout me semble correct. Il y a même certains matins où je me risque une pose, un sourire. Me semble que c’est pas mal du tout.

 

10h, arrivée au 15ième étage tout est fini. Évaporé. Je tiens bon, quelques relents de la confiance que j’avais il y a encore quelques minutes s’accrochant à mon esprit. Par le temps que l’heure du lunch arrive, j’ai engraissé de 50 livres, j’ai des boutons gros comme des cerises, mes cheveux me donnent l’impression que j’ai une balle de foin sur la tête et mes vêtements me vont aussi bien que si c’étaient des guenilles ramassées dans le fond d’une ruelle un lendemain de parade de la St-Patrick.

 

18h, je quitte le bureau, arrêt à la salle de bain, j’évite même pas le miroir. J’y vois exactement ce que j’ai imaginé toute la journée.

 

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J’évite les bars, j’évite les sorties, les restos. Les regards surtout. Et quand j’arrive à sortir, à parler aux autres, c’est au prix d’un effort qui est difficile à décrire tant il m’est exigeant. La bière aidant, dans une soirée je peux m’amuser ferme, jaser, rire, avoir l’air tout à fait normale par contre.

 

J’ai oublié le regard des hommes sur moi depuis longtemps. J’ai abandonné l’idée même de l’existence de celui-ci, m’évitant ainsi une épaisseur supplémentaire de déception. L’acceptation qu’il n’y est pas, qu’il n’a pas lieu d’être, est plus supportable que l’illusion et l’espoir et l’attente.

 

On a beau s’accrocher à des vérités que l’on sait vraies, pures, nobles, saines, quand même, il y aura toujours cette partie d’être une femme qui me manque. Parce qu’elle a déjà existé. Mais les années, la vie, les déceptions, les absences, et ma folie parfois, l’ont anéanti. Au cours de cette vie, quand l’amour semblait vouloir se tirer, j’aurai cru que c’était à cause de mon corps, mon visage, mes cheveux. Et j’aurai tenté, sans succès, de faire mieux, d’être plus ceci, ou plus cela. Toujours plus, sans jamais réaliser à quel point j’endommageais ma propre identité à force d’essayer d’être tout sauf moi.

 

Et maintenant qu’il n’y a que moi, que je n’ai plus à faire semblant, il me reste quoi?

La minute suivante

Après la précise…

J’aime aimer. J’aime pas pas aimer. J’ai de la misère parfois à m’habituer, à me faire à l’idée que non, right now, c’est pas comme ça. Faut surtout que je me rappelle que c’est pas comme ça parce qu’il le faut. Parce que ce qu’il restait de moi aurait disparu dans pas long.

D’un jour à l’autre ça change, je change. Je sens les bases solides quand même. Ça ne tangue plus, je pose les pieds et ça tient.

C’est un étrange mélange de bonheur intérieur et d’insécurité devant l’inconnu. De mélancolie et d’anticipation. D’un instant à l’autre je ne sais pas ce qui va me frapper. Une odeur, un air, un sourire, un livre. Je sais pas, I. don’t fucking. know.

C’est pas vrai. I know. I know too well. Je mets la machine en marche et c’est parti. J’ai donc jeté la clé. Ou perdu. The point is, y en a plus de clé. Plus de machine. Juste moi avec moi. C’est tough. Je ne m’aime pas toujours.

***

J’écoute Janis, comme trop souvent je suppose. On aurait peut-être été soeurs, ou meilleures amies dans une autre vie. Il y a deux millions de vues pour cette vidéo, et je crois bien que la moitié sont de moi.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=FVpDOIPx_sY?rel=0&w=480&h=390]

Black Dog

C'est-tu possible que ça commence à avoir du sens tout ça? Je sais pas là, je suppose, j'hypothétise. Mais j'aime bien ce moment précis dans le temps. Précis à la minute. Des sourires et de bons moments entre amis, de la musique pour les maux. De la musique tout court. Chanter fort Black Dog avec son fils à la guitare qui te dit, enwèille, BLOW les… et qui dit yeah! les yeux fermés en arrachant les accords avec tellement de passion.

I gotta roll, can't stand still, got a flame in my heart, can't get my fill.

 

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=fl6s1x9j4QQ?rel=0&w=480&h=390]