Un moteur gris dans le brouillard
Me pousse au fond de nulle part entre les anges dans le soir
Enfin, pas tout à fait nulle part. C'est au fond que je suis arrivée. Je l'ai touché, goûté même. Est-ce que j'ai essayé de sortir tout de suite? Non. Parce que je voulais sentir mes pieds pris dans la boue. Le froid, le mouillé entre mes orteils. J'ai ouvert mes bras, tendu les mains et passé mes doigts sur les paroies de mon puits. Humides, gluantes. Gratté avec mes ongles, pour m'assurer qu'ils seraient sales. Une trace.
Parce que j'en sors. Oh oui. C'est sec par endroit. C'est là que je met les pieds, en attendant que ça sèche plus haut. J'ai des fois le bruit de ma respiration dans les oreilles, et je me demande si c'est vraiment la mienne, si je respire encore, si c'est pas l'écho de la chute. Le fond descent, je monte, et pourtant je ne vois rien, ne sens rien, ne pense plus. Monter, monter, monter, c'est tout ce que je peux faire.
La sortie, le haut, tout en haut, c'est comme un aimant. Comme l'était le fond. Mais je sais, je sais, que c'est une illusion. Que l'attraction ne dépend pas de l'aimant. Ce n'est pas en haut ou en bas qu'il faut chercher. Chacun leur tour ils m'attireront. Et j'aimerai chaque moment passé en leur présence, tout en me disant que je dois partir, que je dois monter… ou descendre.
Entre les deux. Perchée, perdue, suspendue dans le vide du centre, du milieu. Ce n'est jamais un non-retour. Le fond est mou, maléable. On peut toujours creuser. Le haut est infini, ouvert sur le ciel toujours clair, toujours bleu. Et même quand il est gris il est beau. Il m'appelle pour le moment. Alors je monte, oui, c'est vrai, je monte. Sans bagage. J'ai tout laissé en bas. Je serai de retour bien assez vite.