J’ai souvent cette impression. Que j’ai fait le tour. Une situation, un emploi, une personne, une émotion. Je l’sais. J’ai saisi. Je vais au vidéo, je regarde le boîtier, j’ai vu le film. J’écoute une toune, j’ai entendu l’album. J’ai une conversation, les mots sont vieux et usés et je sais exactement où les mettre, comment les placer dans mes phrases. Un déjà-vu qui m’écoeure, un désintéressement total. Parce que j’ai fait le tour.
Un moment donné, au cours d’une conversation on me dit “J’ai fait le tour”. Fuck. C’est plus pareil dans la bouche d’un autre. C’est pire. C’est le reflet du vide. Du manque. Je regarde mon abîme, pis j’me dit, c’est pas vrai. Ça peut pas être juste ça.
“Dans le fond, tout ce qu’il y a, c’est les enfants”. Tu n’as jamais fait le tour avec les enfants. C’est toute une vie qui s’écrit devant toi. C’est pour ça? Toute une vie à écrire, toute une autre vie à oublier. À partager? J’ai peur de cet abandon de soi.
On se donne entièrement à ses enfants, ou on se consacre à son nombril? Qu’est-ce que ça donne de lire, de voir des films, de se cultiver, d’avoir des amis, de manger un bon repas, d’avoir une vie spirituelle, de baiser, de fumer, de boire un bon vin, de rigoler d’une bonne blague, de s’engager socialement, de voyager? Qu’est-ce que ça donne tous ces plaisirs?
L’équilibre.
Des vies à écrire, des vies à unir.