Pour la valise

Comme à chaque année je t’ai souhaité bonne fête des mères, en visitant ton dernier domicile. Le garde-robe de l’entrée. Je le sais que tu m’as demandé d’aller t’éparpiller dans le ruisseau à Morin Heights. J’ai encore la map que tu m’as dessinée. Juste là, en bas de la côte, avec une flèche pour que je trouve ton sentier. Mais chaque fois que j’y pense je me dis, pas tout de suite, je ne suis pas prête. Parce que tu m’avais aussi dit, vas-y juste quand t’es prête.

Les enfants sont arrivés ce soir. Et en vidant la laveuse tantôt je me suis dit, bordel que ma vie a du sens quand ils sont avec moi. Et je pense à toi, à tout ce que je t’ai reproché, à tout ce que j’arrivais pas à te pardonner. Et c’est fou comment tout ça s’est fondu dans la toile de mes souvenirs. Parce que je sais à quel point j’étais importante pour toi. Je sais à quel point certains matins il n’y avait que moi qui te faisais te lever. Je sais aussi que la pilule de plus, la track de plus, celle qui t’aurais emportée, tu l’as jamais pris pour ça. Pour moi.

Et je me retrouve un samedi soir seule chez moi à manger une quiche, un peu de baguette avec du pâté et du chèvre. Je regarde par la fenêtre, c’est le silence. Tu es si présente, plus que tu ne l’as été depuis ta mort. Mes gestes, mes mains, mes rires, mes regards. Tout porte ta marque. Je suis où tu as été et j’ai parfois l’impression de vivre la vie que tu aurais aimé être capable de vivre. Et dans mes moments difficiles je vois tes traces de pas là devant. Je ne fais que bien choisir mes tournants, et malgré l’envie de suivre tes pas, parfois, tu vois, je dois prendre une autre direction.

Mais je sais, enfin je crois comprendre, que tu étais simplement mal armée pour cette vie-là. L’impression de ne jamais fitter, de ne jamais être à la hauteur. Et je pense qu’il est arrivé un moment donné où tu n’as plus voulu faire de choix guidés par la peur. Et c’est là que tu t’es perdue. Je l’ai pris ta main tendue tu sais. Plus souvent que tu ne le crois. Mais je ne t’en veux plus. Je regrette simplement de ne pas avoir eu la maturité de te pardonner de ton vivant.

Tu me manques plus aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment de ma vie. Il y a, il y aura toujours une pièce manquante dans ma vie. Je regrette de ne pas t’avoir dit plus souvent je t’aime. Je regrette de ne pas t’avoir serrée dans mes bras quand tu en avais le plus besoin. Je regrette, je regrette, je regrette. Ton parfum me manque, ta voix, nos délirs avec les mots. Tes caresses, quand tu me serrais dans tes bras et que tu me disais je t’aime. Ton riz espagnol, ton pain doré.

J’ai encore ta valise remplie de mes cartes et bricolages que je t’offrais. Mon préféré a toujours été le papillon en terre cuite. La peinture à l’eau est toute partie, il a une aile brisée. J’y rajoute cette lettre ce soir. Je sais que ça ne compensera jamais pour toutes ces années où t’as pas pu rien y mettre. Cette lettre ne sera jamais un souvenir pour toi. Mais j’espère tout de même qu’elle y trouvera sa place.

Bonne fête des mères Maman. Je t’aime.

5 thoughts on “Pour la valise”

  1. Vidoc says:

    Un post vraiment émouvant. Je sais pas trop quoi dire en ces moments là, surtout par rapport à un post si personnel…c’est un peu comme si je briserais le feeling qui s’instaure en le lisant. Alors je ne dirai plus rien:)

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